 Politique
Ça y est, les Guinéens ont eu leur dimanche de vote! Un moment désormais fort dans l’histoire de ce pays qui n’a eu de cesse de rouler, tel Sisyphe, sa pierre de mal-être démocratique. Plus de cinq décennies déjà , et aucun scrutin véritablement libre et transparent. Depuis l’indépendance de la Guinée, arrachée de force le 28 septembre 1958 par le «Non» de Sékou Touré à la Communauté française du Général de Gaulle, le pays est allé, en effet, presqu’incessamment, d’un travers à l’autre, d’un embrigadement à un autre.
Les urnes du dimanche 27 juin viennent donc, pour ainsi dire, laver le linge sale des dictatures passées, et remettre les pendules à l’heure démocratique. Certes, il est trop tôt pour édicter que la Guinée a gagné son pari, tant les lendemains de scrutins sont incertains sur le continent. Mais l’on peut assurer que les Guinéens, eux, ont fait le nécessaire pour que le défi soit relevé. Du moins, ont-ils accompli un pas décisif dans la bonne direction, en donnant un message sans équivoque aux acteurs politiques, afin que se lève, enfin, un jour nouveau sur ce pays tant meurtri.
L’engouement qu’a suscité le scrutin toute la journée de dimanche, où les Guinéens sont massivement sortis pour accomplir leur devoir civique, en cette occasion historique, en rajoute à la gravité du moment et donne, si besoin en était, la preuve que les populations de ce pays ont un besoin profond de tourner les sombres pages du passé. Des bureaux de vote qui ne désemplissent pas, malgré quelques problèmes techniques, bien compréhensibles pour un rendez-vous aussi majeur au lendemain d’une situation sociopolitique chaotique, indiquent bien que les Guinéens ont décidé de prendre leur destin en mains et de réussir ce tournant décisif. L’histoire retiendra, en tout cas, d’ores et déjà , qu’après avoir dit «Non» à la Communauté française en 1958, la Guinée entière crie massivement «Oui» à la démocratie, le 27 juin 2010.
Cependant, ainsi que je l’écrivais ici même à la veille de ce scrutin historique, il faut savoir garder les pieds sur terre et la tête bien accrochée sur les épaules, afin que passée l’étape des urnes, la période postélectorale soit bien gérée, sans heurts majeurs, ni retournements regrettables. Aussi, faut-il espérer que malgré leurs dissensions manifestes, les ténors de la classe politique guinéenne transcendent, à présent, leurs egos et récriminations pour se mettre, tous, quels que soient les résultats du scrutin, attendus pour mercredi prochain, au service de la nation, chacun avec son talent, ses opportunités, son savoir-faire.
Pour autant, le plus dur restera toujours à faire. Le vainqueur proclamé aura décidément du pain sur la planche, et doit se donner les moyens humains et logistiques de gouverner le pays en bonne intelligence en réussissant, en face, une gestion apaisée et tolérante de la forte demande sociale qui ne manquera pas de s’exprimer. Somme toute, et en attendant l’embellie de la période postélectorale, toujours délicate, la Guinée vient de gagner, fièrement, par le fait même d’avoir tenu les délais et d’avoir fait, massivement, parler les urnes, une sacrée bataille sur la fatalité…
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