3/5/2025
Libreville, 3 mai 2025 — Dans un cérémonial chargé de symboles et de regards lourds de sens, le Président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a surpris l’Afrique entière. Lors de son investiture en grande pompe, celui que l’on qualifie désormais de Président démocratiquement élu a, dans un geste théâtral et inattendu, tendu son sceptre de commandement au Général Mamadi Doumbouya, présent à ses côtés parmi les invités d’honneur.
Mais au-delà du décorum, l’acte a saisi : ce n’était ni une simple marque de courtoisie, ni une coquetterie protocolaire. Ce sceptre, emblème du pouvoir et de l’autorité retrouvée, a été confié au leader guinéen comme on transmet un flambeau ou comme on scelle un pacte. Le Général Mamadi Doumbouya l’a saisi, droit et serein, l’a exhibé devant la foule rassemblée… avant de le rendre, dans un échange muet mais éloquent.
Alors que d’aucuns y voient une injonction à "suivre l’exemple" en organisant, à son tour, une présidentielle en Guinée cette année, d’autres lisent dans ce moment solennel une reconnaissance fraternelle entre deux chefs d’État militaires devenus figures d’un nouveau panafricanisme. Oligui Nguema ne sermonne pas : il reconnaît. Il ne conseille pas : il salue.
Car Mamadi Doumbouya, lui aussi, est en train de réécrire les codes. Depuis sa prise de pouvoir en 2021, il mène une transition à sa manière, entre fermeté souveraine et volonté de rupture avec les anciennes pratiques. Ce sceptre symbolique, éphémèrement remis, pourrait être interprété comme un sceau de légitimité, un encouragement à persévérer, non pas dans la confiscation du pouvoir, mais dans sa redéfinition.
Peut-être faut-il y voir une manière subtile de dire : "Va au bout de ton œuvre. L’heure viendra, et tu sauras la saisir." Une sorte de pacte silencieux entre deux bâtisseurs de rupture, entre deux hommes qui n’ont pas suivi les chemins balisés, mais qui, désormais, veulent ancrer leur légitimité dans l’Histoire.
La scène n’était ni fortuite ni anodine. Elle était politique. Elle était stratégique. Et elle était, à sa manière, grande. Le Général Doumbouya, dans son calme habituel, n’a pas eu besoin de discours : il a compris. Le geste valait mille paroles. Et désormais, tous les regards sont tournés vers Conakry.
Par Aboubacar SAKHO
Juriste-journaliste |