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Opinion : Qui peut dire chers compatriotes sans trahir la République

15/12/2025

 

L’univers numérique a bouleversé la manière dont les citoyens communiquent et échangent. Les réseaux sociaux, les plateformes interactives et les outils de diffusion en ligne ont ouvert un espace immense où chacun peut se faire entendre sans obstacle et sans filtre. De nombreuses personnes s’y expriment avec facilité et adoptent parfois un ton solennel habituellement réservé aux autorités publiques. Il devient courant d’entendre des expressions comme chers compatriotes lancées par des individus qui ne disposent pourtant d’aucun mandat officiel. Cette multiplication de discours aux allures nationales crée un climat où la frontière entre la parole institutionnelle et la simple opinion personnelle semble s’effacer.

Dans une République organisée, la parole adressée à la Nation repose sur une autorité clairement définie par les textes fondamentaux. Lorsqu’un Président, un Premier ministre, un membre du gouvernement, un président d’institution ou toute personne investie légalement occupe l’espace public, il parle au nom du pays tout entier. Sa fonction l’oblige à représenter chaque citoyen et à porter la voix collective. Son discours engage l’État et devient un élément de stabilité pour la Nation. La formule chers compatriotes prend alors tout son sens car elle s’inscrit dans un cadre officiel construit par la Constitution, la loi et le mandat confié par le peuple. Elle n’est pas un simple choix de style mais l’expression d’une autorité reconnue et acceptée par tous.

Ceux qui exercent le pouvoir institutionnel ne s’expriment pas pour un groupe particulier. Leur parole embrasse l’ensemble de la communauté nationale. Elle se place au-dessus des clivages et devient un repère dans les moments importants de la vie du pays. Dire chers compatriotes dans ce contexte signifie que l’on s’adresse à tous, que l’on assume une charge publique et que l’on prend la responsabilité de parler au nom de la République. Cette capacité appartient uniquement aux responsables légitimes, car elle découle d’un rôle officiel et non d’une initiative personnelle.

À côté de cette parole institutionnelle existe la voix des responsables politiques. Elle joue un rôle essentiel dans la vie démocratique, mais elle s’exprime dans un cadre différent. Le leader politique représente une orientation, une sensibilité ou un courant d’idées. Son message vise d’abord ses militants et ses sympathisants, même s’il peut toucher un public plus large. Il cherche à convaincre, à expliquer, à mobiliser. Il ne porte pas la voix de l’ensemble de la Nation mais celle d’une partie du peuple qui partage son projet. Lorsqu’un responsable politique adopte le ton d’une adresse nationale, il dépasse la fonction qui est la sienne. Il ne possède pas le mandat qui permet de parler au nom de tous, même si son influence peut être forte. Sa parole reste liée à la vie des partis et à la compétition démocratique.

Cette distinction protège la cohérence du débat public. Elle conserve sa clarté en évitant de confondre une parole institutionnelle qui engage l’État et un discours politique qui s’inscrit dans les dynamiques partisanes. Le responsable politique conserve toute sa légitimité, mais il ne peut emprunter les attributs réservés aux autorités républicaines. Sa voix reste précieuse, mais elle n’a pas la portée qui caractérise l’adresse nationale.

L’évolution des usages numériques a également vu naître une autre catégorie d’acteurs très visibles dans la sphère publique. Ce sont les leaders d’opinion, souvent très suivis sur les réseaux sociaux, capables de susciter des débats, d’alerter sur des situations ou de faire remonter des préoccupations collectives. Leur présence enrichit la discussion nationale et contribue à la circulation des idées. Cependant, leur influence ne repose ni sur un mandat électif ni sur une nomination officielle. Elle dépend de leur notoriété, de leur talent de communication et du lien qu’ils entretiennent avec leur communauté. Leur parole demeure strictement personnelle et n’engage qu’eux-mêmes. Même lorsqu’ils utilisent un ton solennel, ils ne peuvent parler au nom de la Nation car la Nation ne leur a confié aucune responsabilité institutionnelle.

La confusion s’installe lorsque certains d’entre eux se donnent l’apparence d’autorités nationales en adoptant des formules ou des attitudes qui ne correspondent pas à leur statut. Cette imitation crée des illusions dangereuses. Elle brouille la hiérarchie naturelle entre la parole officielle, la parole politique et la parole citoyenne. Le risque devient réel de voir l’opinion publique se laisser persuader que la visibilité numérique suffit pour représenter un pays. La République repose pourtant sur une logique différente. Elle se fonde sur la légitimité issue de la loi, de la Constitution et du suffrage, et non sur la popularité acquise par des publications en ligne.

Il est donc essentiel de préserver la distinction entre ces trois niveaux d’expression. L’adresse nationale appartient aux institutions et demeure un acte officiel. Le discours politique appartient à ceux qui animent la vie démocratique et défendent des visions opposées ou complémentaires. La parole citoyenne appartient à tous, mais elle n’a pas vocation à devenir un message adressé à la Nation entière. Cette séparation garantit un fonctionnement clair, ordonné et responsable de la vie publique. Elle renforce la confiance du peuple dans ses institutions et évite que la parole nationale ne soit diluée dans un flot de messages improvisés.

La République trouve sa force dans la clarté de ses rôles et dans la stabilité de ses règles. Chacun peut s’exprimer librement, mais chacun doit le faire dans le cadre qui correspond à son rôle réel. Ainsi se préserve l’autorité de la parole officielle, ainsi se protège l’équilibre du débat politique, ainsi se renforce la valeur de la liberté d’expression. Lorsque ces repères sont respectés, la Nation avance avec sérénité et le citoyen comprend toujours qui parle en son nom.

Par Aboubacar SAKHO
Expert en communication

 

 
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