22/12/2025
Comme on pouvait raisonnablement s’y attendre chez ceux qui savent lire les comportements politiques au-delà des déclarations de façade, l’UFR de Sidya Touré vient de rompre la dynamique collective au sein des Forces vives de Guinée. Du moins, si l’information relayée par Mosaiqueguinee.com, faisant état du rejet par ce parti du boycott de l’élection présidentielle du 28 décembre 2025, venait à être confirmée.
Les Forces vives de Guinée avaient pourtant annoncé, de manière concertée, leur décision de boycotter ce scrutin en raison de la participation du Général Mamadi Doumbouya, jugée contraire à la Charte de la Transition. En appelant désormais ses militants à voter librement (si bien sûr "l'exclusivité" de Mosaiqueguinee.com s'avérait), sans contrainte ni mot d’ordre précis, l’UFR se place de fait en rupture avec la ligne arrêtée par la coalition dont elle se réclame ou se réclamait. Ce choix équivaut à un désengagement assumé de la dynamique commune, réduisant de facto les Forces vives à un noyau dominé par l’UFDG et le RPG Arc-en-ciel, les autres structures n'étant que des satellites politiques du premier, à l’image du fameux FNDC et de l’ANAD.
Cette évolution n’est pas survenue sans signes annonciateurs. Depuis plusieurs mois, l’UFR se distinguait par une attitude mesurée, parfois distante, dans sa condamnation des actes du CNRD, là où l’UFDG et le RPG adoptaient un ton frontal. À cela s’ajoutaient des confidences persistantes évoquant des rencontres discrètes entre Sidya Touré et des responsables du CNRD à Abidjan, lieu d'exil volontaire choisi par l’ancien Premier ministre. Un choix qui interroge d'ailleurs, d’autant qu’aucune poursuite judiciaire ne pèse sur lui, contrairement à Cellou Dalein Diallo de l'UFDG. L’argument de l’exil apparaît d’autant plus fragile que la perte d’une maison issue du patrimoine bâti de l’État ne saurait, à elle seule, constituer une contrainte politique justifiant un éloignement durable.
La concomitance entre la décision de ne plus boycotter l’élection et le rejet définitif par la Cour suprême du recours relatif à cette maison alimente les soupçons. Certains y voient une manœuvre de repositionnement destinée à rouvrir des canaux de négociation autour de ce bien immobilier aujourd’hui occupé par le Bureau guinéen du droit d’auteur. Cette lecture, qu’on le veuille ou non, renforce l’idée d’une politisation d’intérêts privés, comme si la récupération d’une simple maison devenait un objectif politique en soi. Une dérive qui révèle en politique la facilité avec laquelle des motivations personnelles peuvent supplanter des revendications collectives. Il est tout de même curieux que les leaders de l'UFR et de l'UFDG fassent de la récupération de leurs habitats un programme politique couvert à outrance par leurs différentes déclarations.
Dans ce contexte, la virulence de certains militants de l’UFR à l’égard de leur représentant au CNT, resté en poste malgré les injonctions à la démission, mérite d’être reconsidérée. Et si ce dernier n’avait fait qu’appliquer une ligne définie au sommet du parti ? Ce maintien au CNT constituait déjà , pour de nombreux observateurs, un indice de décalage entre les discours officiels et les pratiques réelles de l’UFR au sein des Forces vives.
Les signaux de désalignement se sont multipliés avec les rumeurs de rapprochement du vice-président du parti, Ibrahima Bangoura, avec la mouvance présidentielle à travers un mouvement communautaire qu’il porterait. À cela s’ajoute le basculement de la Fédération UFR de N’Zérékoré vers le camp présidentiel. Selon son coordinateur régional et ancien maire de la ville, Cécé Loua, il reste membre de l'UFR tout en soutenant la candidature de Mamadi Doumbouya. CQFD !
Dans ces conditions, nombreux sont ceux qui interprètent l’appel à ne plus boycotter comme une invitation implicite à soutenir la candidature de Mamadi Doumbouya. Une position cohérente avec les tractations évoquées plus haut, même si elle n’est pas formulée explicitement. À défaut d’accords totalement consolidés ou par prudence tactique, l’UFR a préféré laisser ses militants libres de leur choix. Un calcul qui n’est pas sans risque, puisqu’il ouvre la possibilité d’un report de voix vers Abdoulaye Yéro Baldé, vu comme le seul concurrent crédible du candidat de la mouvance présidentielle à cette élection.
Au final, cette séquence confirme que l’UFR a choisi de suivre sa propre trajectoire, au prix d’une fracture ouverte avec les Forces vives de Guinée. Une décision lourde de conséquences politiques, qui éclaire davantage les recompositions en cours que les discours de façade sur l’unité de l’opposition.
Abdoulaye Sankara |