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Me Mamadou Ismaila Konaté écrit à ses confrères Guinéens: "à défaut de m’aimer, ne me détestez pas"

8/8/2022

 

Interdit de plaider et de postuler devant les juridictions guinéennes pour plusieurs raisons dont ses propos discourtois envers le Procureur spécial près la CRIEF, l'avocat Malien de Kassory Fofana, Maître Mamadou Ismaila Konaté dénonce "une sanction non prévue par la loi guinéenne qui régit la profession d’avocat".


Voici la lettre qu'il a adressée à ses confrères Guinéens.


Mes Chers Confrères,


Avocat, j’ai, tout au long de mon exercice professionnel, déjà été confronté aux quolibets, aux sifflets, aux insultes et autres récriminations de personnes mécontentes à la sortie d’un procès et, cela, un peu partout en Afrique et ailleurs où j’ai cru devoir porter ma robe et donner de la voix pour la défense de clients le plus souvent en difficulté.


Garde des sceaux, ancien ministre de la Justice, j’ai également connu la cruauté en politique et la réaction de citoyens sur les réseaux sociaux par des posts, tweets et autres commentaires malveillants.


Redevenu avocat, je n’avais jamais, jusqu’à présent, ressenti un sentiment aussi douloureux que d’être la vindicte de l’heure d’autres avocats avec lesquels, j’ai l’honneur d’avoir en partage la robe noire...


Difficile, en effet, de voir avec quelle délectation certains de mes confrères commentent sans aucune délicatesse, la décision de la déléguée du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Guinée me concernant, pendant que d’autres, au gré de leur humeur du moment et bien souvent avec un instinct dénué de bon sens, s’en réjouissent ouvertement, avec une certaine fibre patriotique, voire nationaliste.


Je le déplore !


Je m’en suis d’autant plus indigné et désolé, qu’en arrivant dans ce pays, la Guinée, que je connais depuis 1994 et, dans cette procédure-ci, j’ai pensé, à raison et, je le crois encore, que vous étiez tous des miens, ou comme des miens. Et ce que vous êtes encore à mes yeux, et, quoique vous m’en disiez, y compris dans mon dos, en tous les cas, vous le serez tant que vous serez drapés de cette robe noire que l’on a en commun et en partage.


Et c’est bien pour cela que nous sommes confrères !


S’il est vrai que l’habit ne fait pas le moine, la robe, elle, fait l’avocat.


La robe est le véritable symbole de la profession d’avocat ; la robe fait aujourd’hui partie intégrante du métier d’avocat que, j’imagine, que comme moi vous éprouvez autant de plaisir à exercer en Guinée.


M’en priver est un geste maladroit, malhabile et gauche !


Le style de la robe d’avocat remonte aux ecclésiastiques de l’époque et rappelle que la Justice était un véritable sacerdoce. A cette époque, la robe avait un capuchon noir, qui plus tard fut orné d’une fourrure blanche en hermine. Cette allure ecclésiastique fut abandonnée à la Révolution donnant place à l’épitoge en hermine porté sur l’épaule gauche, au-dessus de la robe.


Les avocats parisiens ont décidé de faire exception : leur épitoge est dite « veuve » donc sans hermine. Les raisons tiennent au fait que les avocats parisiens sont réputés gens désobéissants face à l’autorité, quelle qu’elle soit.


L’indépendance de l’avocat est l’un des principes essentiels de la profession et il est reconnu comme tel dans les Principes essentiels de la profession d’avocat. Or la première indépendance de l’avocat réside dans le devoir constant d’agir avec défiance lorsqu’il le faut.


L’indépendance de l’avocat s’exerce contre la collusion, voire la révolte et l’injustice.


Durant ma jeune carrière d’avocat qui atteint bientôt trente ans, ce dont vous ne me tiendrez pas rigueur, je n’ai jamais été soumis et, tant que je l’ai pu, face à loi et à l’autorité, dans le respect de nos valeurs de liberté et d’indépendance, et de nos règles déontologiques.


Je n’ai pas l’impression, hormis l’excès du verbe, voire du ton probablement, qu’en m’élevant contre des propos inappropriés, tenus hors enceinte judiciaire, égrenant des affirmations tout aussi bien gratuites que infondées, contre un client indélicatement sous mandat de dépôt depuis et, dans des conditions qui tiennent à la seule volonté d’un homme, fut-il représentant momentané de l’ordre, de la loi et de l’autorité, que j’ai transgressé une quelconque règle. Le principe d’égalité des armes auquel nous sommes particulièrement attachés dans le prétoire me semble devoir s’appliquer hors enceinte judiciaire.


C’est pour cela que j’estime que le reproche qui m’ait fait est aussi infondé que l’excès qui connote cette décision prise à mon encontre, avec des motivations tout aussi illusoires et sans fondement juridique aucun.


Il en est ainsi du motif tenant à l’absence de réciprocité entre Barreaux de Guinée, avec ceux du Mali et de Paris, les deux auprès desquels je suis inscrit :


Au titre du barreau du Mali, il existe une convention d’établissement, signée en 1964, encore en vigueur, puisque jamais dénoncée. Celle-ci précise en son article 7 : « En ce qui concerne…l’exercice ….des professions libérales, les ressortissants de l’une des parties contractantes, son assimilés aux nationaux de l’autre partie contractante sauf dérogation imposée par la situation économique et sociale de ladite partie » ; pour le reste, le barreau de Paris est signataire d’une convention de réciprocité formelle, signée par le Bâtonnier de Guinée, avec son homologue de paris, même si son objet est restreint aux seuls sujets des droits de l’homme.`


Pour votre information, c’est bien sur la foi de la convention d’établissement de 1964, entre le Mali et la Guinée que j’ai déjà plaidé en Guinée pour le Président Alpha CONDE, mais aussi chaque fois que j’ai eu à conduire des procédures devant quelques juridictions que ce soit.


C’est également sur la base de cette convention que mes nombreux confrères guinéens, qui ont eu l’occasion de plaider au Mali se sont fondés pour plaider, sans grief ni reproche et aucun avocat guinéen ne s’est retrouvé à Bamako comme moi à Conakry en ce moment ;


C’est aussi sur la base de cette convention que deux Confrères guinéens ont été inscrits au tableau de l’Ordre des avocats du Mali, l’un étant aujourd’hui décédé, paix à son âme (Bouba DIARRA) et le second n’étant ni plus ni moins que le Bâtonnier en exercice de l’Ordre des avocats de Guinée, Djibril KOUYATE, doublement inscrit en Guinée et au Mali et encore aujourd’hui depuis vingt-huit ans au moins.


Djibril KOUYATE est le 121ème avocat sur le tableau de l’Ordre des avocats du Mali. Est-ce à moi qu’il revient encore de faire la preuve de la réciprocité entre nos barreaux ? les faits ne sont-ils pas plus parlants que les textes ici ?


Il en est de même, s’agissant du motif tenant à la domiciliation : lorsque je suis arrivé à Conakry, j’ai été accueilli par le Bâtonnier Djibril KOUYATE (défenseur de IKF) que je connais depuis près de trente ans au moins. C’est avec son microordinateur que nous avons saisi ma lettre de constitution et c’est bien lui qui m’a accompagné à la CRIEF pour accomplir les formalités de constitution ; c’est encore lui qui m’a conduit, en compagnie de mon Confrère Ousmane SEYE du Barreau du Sénégal pour faire les salutations d’usage au procureur spécial, président de la CRIEF, procureur général…et tous les actes de procédure dans le cadre de l’affaire « IKF », établis par ses soins et qui comporte mon nom, indiquent tous que je suis domicilié chez lui et c’est le cas depuis vingt-cinq ans que je plaide en Guinée ; son cabinet Jurifis Consult est le nom de mon cabinet qu’il a emprunté à sa demande et sur mon autorisation et, je suis aussi proche de lui que du Bâtonnier Boubacar BARRY son associé, aussi longtemps qu’ils sont associés.


Il en est encore de même en ce qui concerne le motif tenant à la violation de l’autorisation préalable du Bâtonnier, avant toute prise de parole en public. Ce reproche ne doit pas du tout m’être fait, dans la mesure où je suis sous le couvert d’avocats guinéens et curieusement, c’est à moi, et à moi seul, que ce reproche est fait, pas à un seul autre avocat, ni guinéen ou étranger (et pourtant nous étions cinq au moins à animer cette conférence de presse) ; en fait d’autorisation préalable, je suis le seul confrère qui ait pris bon soin d’informer préalablement la déléguée du Bâtonnier, avant le début de la Conférence de presse. Qu’elle m’autorise seulement à faire publiquement usage de nos échanges que je mettrai en avant, relativement à la demande de prise de parole, qui, selon elle, devrait être exprimée en forme d’autorisation préalable et pour moi et à sa différence, une information même pas préalable, au nom de la liberté de parole de l’avocat… ;


Enfin, il en est de même pour le motif de l’écart de langage, mettant en avant un propos discourtois.


Le terme « mensonge » utilisé porte sur une présentation inappropriée des faits et charges par un Procureur, effectuée publiquement, qui justifiait, au nom du principe de l’égalité des armes, une réponse immédiate et instantanée.


En tout état de cause, ce droit que j’ai exercé, ne saurait justifier une sanction disciplinaire d’interdiction absolue de plaider et sans aucune limite dans le temps si ce n’est l’espace.


Vous n’ignorez pas que l’interdiction de plaider est une sanction non prévue par la loi guinéenne qui régit la profession d’avocat.


De plus, cette sanction a été prise en dehors de toute poursuite disciplinaire qui, ainsi que vous le savez, est procédurale strictement encadrée, et commence par une enquête, une information, une confrontation et un jugement par des « autorités » distinctes.


En tout état de cause, en ma qualité d’avocat ressortissant des Barreaux du Mali et de Paris, je ne suis pas justiciable du Barreau de Guinée ; ce dernier ne peut que relever éventuellement des fautes dans mon comportement, dresser procès-verbal et me déférer devant les Barreaux dont je suis issu, à charge pour ces derniers de me poursuivre et de me juger le cas échéant ; au pire, le Barreau de Guinée pourrait, en attendant de connaitre les suites du procès-verbal de constatation de faute à mon endroit, prendre des mesures conservatoires de suspension s’il y a lieu.


J’ai ressenti la démarche à mon égard comme une excommunication, un bannissement pur et simple que rien ne justifie au regard de mes profonds liens et attaches avec la Guinée, tant sur le plan familial que professionnel.


Ma grand-mère, DIABY, est née dans ce pays ; mon épouse, DIANE, est née dans ce pays et ma fille KONATE, a la nationalité de ce pays et moi aussi, depuis. Pour rien au monde je ne devrais souffrir ici, ni supporter des actes et des gestes qui peuvent avoir quelque allure d’ostracisme, de xénophobie de mauvais aloi, comme si j’étais une personne persécutée.


Je connais le Barreau de Guinée depuis très longtemps et aussi longtemps que les plus anciens d’ici, mais aussi les plus jeunes avec lesquels j’ai eu l’occasion de participer en tant qu’animateur à des sessions de formation, très récemment encore durant trois mois en arbitrage.


Je ne suis pas avocat « établi » en Guinée, mais j’occupe ponctuellement pour le compte d’un client et un seul, dont je suis l’avocat depuis le 10 avril 2022, sans que personne ne me demande ma nationalité ni d’où je viens si ce n’est aujourd’hui la déléguée du Bâtonnier.


Il est donc très troublant que dans cette affaire, l’étau se resserre autour de moi et moi seul, dans une dynamique qui conduise mes excellents confrères à s’autoriser des sobriquets à mon endroit, oublieux de leur obligation première de confraternité - sans compter le respect des anciens ; principe sacré de notre engagement et sens universel de notre robe d’avocat.


La confraternité, faut-il le rappeler, est avant tout un code de bonne conduite entre nous confrères, membres d’une même profession, considérée comme une fratrie. Dans cette acception, la confraternité n’a pas de sexe, ce qui n’empêche pas que l’on parle parfois de « consœur » pour un confrère de sexe féminin, surtout lorsque l’avocate l’exige.


Elle n’a ni origine, ni nationalité.


Avoir une attitude confraternelle passe en premier lieu par l’absence de médisance vis-à-vis d’un « cher confrère » ou d’un « confrère » tout court, quand bien même l’on ne serait pas d’accord avec lui, et même si on ne l’apprécie pas ou ne l’aime pas. Il ne faut surtout pas détester un confrère, puisque votre sort peut dépendre de lui un jour, qu’il soit plus petit que vous ou même plus grand. En cas de litige entre avocats, c’est le Conseil de l’Ordre qui s’assurera que la confraternité a bien été respectée de part et d’autre.


La robe elle, reste le symbole d’égalité entre nous les avocats.


Tant que je porterai cette robe mes chers confrères, à défaut de m’aimer, ne me détestez pas ; ne vous méprenez pas et ne vous jetez dans les bras du premier venu des procureurs qui n’aura aucune obligation de confraternité vis-à-vis de vous.


A la lumière de ce qui précède, je ne doute pas que vous tirerez avec prudence, retenue et sagesse les conséquences de la décision de la délégataire du Bâtonnier et que vous saurez soit vous indigner, soit à tout le moins observer la réserve qu’impose la confraternité dans une pareille situation.


Mes Chers Confrères, je vous salue avec déférence et reconnaissez-moi le droit d’être avec vous et parmi vous, le temps d’une procédure dans laquelle, je suis et serais toujours ravi de vous avoir aussi bien en face ou à côté de moi : n’est-ce pas là la grandeur de notre beau métier ?


Mamadou I KONATE


Avocat

 

 
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