Dans une interview, publiée le 29 mars 2013 par notre confrère de ''Guinée économie'', Ismaël Kaba, directeur des réseaux de la Sotelgui, pointe un doigt accusateur sur les responsables du Ministère des Télécom guinéens, ceux de la Sodiacom et de ETI mais aussi, le directeur des réseaux attire l'attention sur l’indifférence des cadres de l'ARPT, dans la gestion de la fibre optique en Guinée.
A première vue, entretien passe inaperçu, la presse nationale, étant trop politique, semble avoir d'autres chats à fouetter.
Nous proposons cette interview à l'intention des Guinéens, soucieux de l'avenir de ce pays, notamment au chef de l'Etat Alpha Condé, à ses services de communications, à son entourage pour qu'ils puissent s'informer de ce qui se passe dans cette affaire, où, selon Ismael Kaba, l'Etat en sortira perdant alors que ce sont des centaines de milliards qui sont en jeu. Le cri de cœur du directeur des réseaux de la Sotelgui sera t-il entendu?
En attendant la réponse à cette question, voici en intégralité l'interview-vérité d' Ismael Kaba.
Entre des installations dit-il, frauduleuses de la Sodiacom et de l’ETI sur les câbles de la Sotelgui, le soutien tacite du Ministre Oyé Guilavogui et l’indifférence coupable de Moustapha Diaby, Directeur de l’ARPT, le Directeur de réseaux de la Sotelegui fait un déballage sur cette affaire ( sotegui-sodiacom-ETI), a l’en croire, qui risque faire perdre des milliards à la Guinée aux bénéfices des intérêts égoïstes. Une bataille livrée pour le contrôle de la fibre optique depuis son atterrissage sur les cotes guinéennes. Lisez… Guineeeconomie : Il y a quelques jours vous et certains de vos amis avaient été interpelés pour destruction d’édifice public par le Ministères des télécom, ensuite relâchés. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce problème dans lequel on entend parler de Sodiacom, ETI et le Ministère de tutelle ? Ismaël Kaba : Depuis début 2012, la Sotelgui est une société qui est en quasi faillite. Parce qu’elle n’arrive plus à faire face à ses charges de fonctionnement les plus élémentaires. Cette situation résultait de la mauvaise gestion par des cadres à qui, on n’avait confié cette société. En 2012, l’Etat guinéen constatant cette faillite et les difficultés auxquelles l’entreprise était confrontée, a décidé de mettre en place un comité de gestion de trésorerie par arrêté du Premier ministre. Ce comité était présidé par l’actuel Directeur Général de l’ARPT, Moustapha Mamy Diaby.
A l’arrivée de ce comité, le diagnostic était sans appel. L’organigramme de la Sotelgui n’était pas adapté. C’était un organigramme pléthorique, avec près de 30 Directeurs. Donc, ça ne répondait pas aux besoins de fonctionnement de la société. Le premier travail était de casser cet organigramme et d’en faire celui qui répondait aux besoins, afin de limiter la saignée financière. C’est ainsi que toute la technique a été réunie en une seule Direction, qu’on a appelé la Direction des réseaux et nous a été confiée.
A notre prise de fonction, nous avons essayé de faire un audit technique. Nous avons vu que sur le plan de la téléphonie mobile, que le commun des citoyens connait, le réseau était vétuste. Le problème de fonctionnement se posait et on n’arrivait même plus à approvisionner les sites GSM en carburant. Les problèmes s’accumulant finalement, les sites GSM se sont arrêtés et parallèlement le circuit commercial était bloqué. Parce que les cartes de recharge avaient été cédées avec 25 à 30% de leurs valeurs. Les différences après de multitudes rencontres avec les fournisseurs, la différence n’a pas pu être récupérée. Finalement, c’est comme un serpent qui se mordait la queue.
Face à cette situation, le réseau GSM qui est la téléphonie mobile s’est arrêté. Le comité de gestion a constaté ce dégât et nous en sommes restés là. Mais comme vous devez sans doute le savoir, Sotelgui est un câblo-opérateur, c’est-a-dire un operateur de téléphonie sur le câble. C’est d’ailleurs son corps de métier, le GSM est venu après.
Alors comment en est-on arrivé à cette situation qui prévaut aujourd’hui ? Donc, depuis 2007, elle s’est appesantie sur ses réseaux souterrains de câble, ce qu’on appelle communément la téléphone fixe, se trouvant dans les bureaux et les domiciles à l’époque. Elle s’est appesantie sur ces installations là pour les agrandir et développer un réseau souterrain de fibre optique, qui ceinture la ville de Conakry sur près de 70km.
Elle a passé des accords avec certaines sociétés dont ETI Bul (fournisseur de service internet ndlr). Cette société a contracté avec la Sotelgui un certain nombre de services sur la fibre optique. Le contrat avait été signé en décembre 2010. Un contrat qui était tout à fait déséquilibré pour la Sotelgui. Tout pour ETi et presque rien pour la Sotelgui.
Quand nous avons pris fonction, nous avons demandé à ETI de bien vouloir accepter qu’on face la relecture de ce contrat, qu’il avait finalement acceptée.
Entre temps, c’est le câble sous-marin qui atterrit en Guinée pour la première fois. Un projet conduit par la Sotelgui et principalement financé par la Banque Mondiale. Par après, Sotelgui a initié un projet pour interconnecter sa boucle de fibre optique qui ceinture la ville de Conakry à ce câble. A rappeler que ce câble et le réseau souterrain de fibre optique de Sotelgui ne sont séparés que de 200 m. Ainsi, tous les fournisseurs d’accès internet plus d’autres opérateurs de téléphonie et de service de télécommunication ont démarché la Sotelgui, pour qu’elle les transporte leurs capacités de Kipé à Kaloum, le centre des affaires. Ceci allait générer les revenus substantiels à l’entreprise, capables de supporter les salaires sans recourir à l’intervention de l’Etat.
C’est ainsi, lorsque le Ministre des postes et télécommunications a pris vent de ce projet, il a sorti une note de mise en demeure nous demandant d’arrêter tous travaux, au motif que la société était aux arrêts.
Nous avons arrêté les travaux le 6 décembre. Quelques jours après le 10 décembre nous recevons une convocation à la brigade mobile de Kaloum. Motif : vol de matériel, 240 m de fibre optique. Par la suite, nous sommes relâchés. Deux mois après, jour pour jour, le 11 février, nous avons eu des nouvelles selon lesquelles une tierce personne physique et morale, utiliserait nos installations téléphoniques, nos installations souterraines pour faire passer du câble pour les clients qui avaient des marchés chez nous. Nous nous sommes transportés sur le terrain. Effectivement nous trouvons que la société SODIACOM à mis du câble dans nos ouvrages souterraines. Elle avait déjà tiré le câble du ‘’centre émetteur’’ jusqu’a la ‘’case Bellevue’’. Objectif, rallier Kaloum.
Ainsi, nous avons fait appel à un huissier, qui est venu constater les faits. Le procès verbal de son constat existe. Nous nous sommes dits, s’il en est ainsi, profitons et vérifions l’ensemble du réseau. C’est ainsi que nous avons découvert la plus grande fraude possible dans les télécommunications en Guinée.
Le véritable problème c’est avec Sodiacom ou ETI ? Sodiacom, on en parle beaucoup, mais elle a peu là-dans, c’est n’est que le bras ouvrier. La vraie fraude, c’est ETI qui l’a fait. C’est ainsi, que nous avons vu contrairement à ce qui est dit dans le contrat, Etibul faire de notre réseau de fibre optique ce que bon lui semble. Des câbles qui ne font pas partie des contrats qui nous lient sont branchés. Des câbles que nous avons tirés, que nous avons posés, dans l’espoir de raccorder des clients futurs dès qu’ils demanderont, le sont aussi. Nos propres câbles utilisés par ETI envoyés à des clients. Qu’est-ce que nous constatons, ETI a utilisé notre fibre pour alimenter plusieurs dizaines de sites GSM appartenant à l’opérateur Intercel.
Ainsi, nous avons coupé ces branchements hors du contrat afin qu’ils régissent ou demandent des explications. Ou qu’on puisse aller devant le régulateur, ARPT. Mais au lieu de voir ETI ou Sodiacom devant nous, c’est le Ministère des télécoms qu’on voit. Il convoque le syndicat de Sotelgui, qui ne maitrise pas tout à fait la technologie, qui se retrouve avec Sodiacom, pour dire que cette dernière a des contrats avec la Sotelgui. Des contrats de 2010, 2011 dont le plus long est de 30 à 40 jours et cela pour faire des tranchée afin de mettre des câbles, parce que Sodiacom est une entreprise de BTP. Pire, le Ministère donne mandat à Sodiacom de reconnecter les câbles frauduleux de ETI que nous avons coupés. Quand ETI fraude, c’est Sodiacom qui fait le travail. Pendant qu’il est dit dans le cadre du contrat, que lorsque que le client qui est lié a nous par contrat, s’il a besoin de faire un travail, il écrit 15 jours à l’avance. Nous voyons nos techniciens, nous ouvrons, nous effectuerons les travaux et refermons. Finalement, le ministère vient bétonner nos propres chambres souterraines. Pour que nous puissions plus accéder à ces chambres. Le prétexte invoqué est que nous nous sommes attaqués aux installations de l’Etat. Mais nous estimons que nous sommes attaqués aux intérêts privés frauduleux de certains. Nous nous attaquons à deux entreprises qui font la fraude sur les installations de l’Etat guinéen et de surcroit, viennent revendre ses services à l’Etat lui même. La BCRG, la Douane, Novotel, et autres sont des clients d’ETI. C’est ce que nous avons découvert. Comme nous en démordons pas, le 21 dernier, nous avons été convoqués à la brigade de la gendarmerie mobile de Kaloum et le 22 nous étions devant les tribunaux et présentés à un juge d’instruction. Quel sont les dommages de ces actions de la Sodiacom sur vos câbles ? Les dommages sont estimés en centaines de milliards de francs Guinéens. Quand Sodiacom s’est attaquée à nos installations. Nous avons à deux reprises saisi l’ARPT par une plainte le 15 et le 18 février dernier. La première contre la Soidiacom et la seconde contre ETI. Tous ces actes n’ont pas fait réagir le régulateur. N’ayant pas reçu de réponse, nous avons envoyé notre conseiller juridique rencontrer le Directeur de l’ARPT en personne. Malgré tout, la Sodiacom déploie un réseau parallèle à la notre, en creusant le long des voiries publiques. Pendant que nous avons ses installations, nous ne comprenons pas pourquoi la Sotelgui qui est dans le juron de l’ETAT, on refuserait que des entreprises viennent louer ses installations les plus adaptées, faites dans les règles les plus exigeantes de la télécommunication. Les revenus générés de l’utilisation de ce câble pourtant permettrait à l’Etat de supporter le fardeau des salaires de la Sotelgui. Et de se consacrer uniquement à la réflexion stratégique dans la relance ou dans la recréation d’une nouvelle entité.
Pourquoi les entrées de la Sotelgui étaient fermées hier (Jeudi 28 mars)? Ces derniers jours, les travailleurs se sont décidés d’arrêter Sodiacom sur le terrain. C’est ce qui a amené des manifestations ces jours-ci. Jusqu’avant hier Sodiacom était avec nos agents pour dire qu’elle était prête de discuter avec nous. Nous étions dans cette optique et subitement le matin, nous trouvons que nos portes sont barricadées. Chaque fois que nous voulons coincer un de nos fraudeurs, le Ministère sort de sa réserve.
Notre déception est d’autant plus grande que le régulateur qui est sensé dire le droit dans ce secteur, est resté silencieux. Son silence a donné le temps au Ministère de nous envoyer au tribunal.
Quel est le dernier recours pour vous ? Sans aucune démagogie, c’est le Président de la République. Il est l’ultime recours pour nous. Nous avons juste envie de lui dire ceci. Vous avez une entité de télécommunication, l’opérateur historique, qui est là, certes elle est en faillite, mais cet opérateur a encore quelque chose, un patrimoine qui est le câble. Si l’Etat se réappropriait de ce qui n’appartenait, il peu recréer un opérateur fort. Qui sera le leader des télécoms en Guinée. C’est encore possible.
Mais l’enjeu aujourd’hui c’est quoi, c‘est la large bande qui a atterri en Guinée. Et en télécom ce qui coûte, c’est la largeur de bande. Les usagers de télécom sont chaque jour gourmand de la quantité d’informations à transmettre. Appel, vidéo, son, images, les MMS,… La bataille, c’est comment contrôler la large bande. La Sotelgui a les installations les plus appropriées, on veut le mettre hors jeu, donner ça aux intérêts privés. Les conséquences seront désastreuses pour l’Etat.
Je ne comprends pas que l’Etat guinéen puisse se contenter des redevances et taxes payées par des opérateurs. Il peut lui-même rentrer dans ce jeu-là. Rassembler des bénéfices générés dans ce secteur pour faire face à ses dépenses. On veut faire comprendre à l’Etat, aux décideurs que la Sotelgui est pauvre, c’est faux. Ça n’existe nulle part au monde. Si ça existe la Guinée fera cas d’école. Propos recueillis par Ahmed Tidiane Sylla +224 64565072/ +224 68099750 ahmedtidianes@yahoo.com Source : Guineeeconomie
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