Commandés par le CNDD, en son temps, afin d’éclairer le citoyen guinéen sur la gestion passée de son patrimoine et d’en situer la responsabilité individuelle ainsi que collective des gouvernants successifs, les audits n’avaient pas connu l’issue espérée. De pressions en pressions, de manipulations politiciennes en intrigues mafieuses, de corruption en complicité assassine…, ils furent stoppés à un moment de forte de demande de la majorité des Guinéens...
Le CNDD n’eut plus le temps, ni le courage de publier le résultat parce qu’accablant pour un grand nombre de ceux qui se sont autoproclamés « intouchables » en Guinée.
Et vint l’interminable transition dont le rythme, la cadence et la vitesse de progression ne pouvaient permettre de parler de l’assainissement de la gestion publique qui, lui, ne peut se faire qu’à travers l’interrogation de chacun des pans de l’administration du patrimoine national. Donc les audits ne sont, purement et simplement, qu’un acte de contrôle administratif et jamais le contraire ; c’est-à-dire un acte politique comme ils veulent nous laisser croire.Les audits autorisent de se prononcer sur les performances réalisées ou non par le pouvoir en matière de gouvernance dans un pays. D’ailleurs, ils sont réguliers et permanents pour la santé de la chose publique et de percevoir la transparence, la traçabilité et la lisibilité de l’application des promesses politiques ainsi qu’électorales (pourquoi pas du projet de société du parti exercice au pouvoir passé ou présent ?).Pour que cela soit une réalité, il faut partir d’une base saine ou assainie. Voilà une raison plus que capitale de mener des audits dans un pays et par un Etat.
Alpha Condé, élu Président, pouvait-il s’autoriser de poursuivre les audits, dans l’esprit de « l’Etat, c’est la continuité de gestion publique» ? Comment l’aurait pu dans la mesure où cet Etat n’existait même pas ?
Maintenant, en plus des progrès déjà réalisés pour asseoir la démocratie guinéenne qui augure l’instauration d’un véritable Etat de droit ; en dépit de douloureuses péripéties voulues, créées et entretenues par une classe politique noyautée par un communautarisme ethnicisant, il fallait rompre le cordon de l’impunité des crimes économiques dont est victime la population guinéenne. Face à cette exigence historique, le Président et son gouvernement n’avaient d’autres choix que de publier, même partiellement, le résultat des audits commandés par le CNDD. C’est fait désormais ! Comme le dit l’adage : « Le vin est tiré, il faut le boire jusqu’à la lie » !
Mais alors pourquoi cela fait-il trembler jusqu’à ce que des politiques se sentent visés? Doit-on continuer à fermer les yeux sur les opérations de prédation quand l’on sait que l’endémique retard du pays découle de là ?
Le risible, dans tout ça, est que des bureaux de groupement communautariste (ici, appelés Parti politique) de ceux qui se veulent « intouchables » se sont précipitamment réjouis de l’innocence, avant la lettre, de leur « gourou » (l’emploi du mot n’est pas innocent). Paradoxalement, ils ne semblent pas avoir la conscience tranquille. Ce sont des déclarations hasardeuses les unes que les autres, des interviews, les unes après les autres. Pour finir, le résultat des audits publié est présenté comme une traque contre des partis politiques et leurs animateurs.Certains évoquent leur alliance politique avec le Président de la République pour se voir gracié alors même que le dossier n’est pas judiciarisé.
Si une telle option était possible, hier, lorsque feu Lansana Conté venait extirper ses protégés de derrière les grilles de barreau des prisons,aujourd’hui, l’on est sous le ciel de la démocratie guinéenne. Le Président Alpha Condé ne peut intervenir ou protéger personne jusqu’au processus final des audits. Peut-être, pourra-t-il le faire, plus tard et au nom de ses prérogatives? Avant d’en arriver là, les Guinéens veuillent savoir, au moins, qui a fait quoi parmi ceux qui ont eu la charge de gérer une partie ou tout du patrimoine national.
Dans le contexte, pourquoi ne pas garder le sang-froid, la lucidité nécessaire et le calme raisonnable que de troubler l’eau du fleuve guinéen dans laquelle des personnalités s’étaient faites« fortes » en se transformant en crocodiles malgré leur aspect humain pour piller le bien à nous tous ?
D’autres jouent à la diversion. Sans scrupule, ils utilisent une association apolitique pour demander au pays de l’oncle Sam des sanctions contre le Président de la République de Guinée comme s’il n’y avait que des myopes et sourds de représentants diplomatiques des pays partenaires et institutions internationales dans notre pays. Ce sont les membres de leur club qui auraient la meilleure analyse de son évolution. Ce qui les autorise à intimer à Obama de ne pas inviter Alpha Condé. Bravo à eux ! Seulement, c’est triste de s’illustrer de cette manière quand la patrie doit primer avant toute autre considération dans nos démarches!
Aujourd’hui, ces agitateurs remuent l’épouvantail de la peur. L’on peut exprimer l’inquiétude qu’ils ne finissent même par nous dire comment devons-nous respirer l’oxygène, don de Dieu, en Guinée.
Ainsi l’amalgame est-il fait avec la publication de cet autre résultat, celui du recensement démographique de la population guinéenne.
Victimes, toujours victimes et encore victimes, sempiternellement victimes. La dépopulation sinon l’hémorragie humaine des villages et régions de leur terroir par l’exode est vite oubliée. A qui la faute ? Alpha Condé et son parti politique ?
Il est, dans ce cas de figure, utile de rappeler que certains villages de la Moyenne Guinée n’abritent plus que des personnes âgées. Les populations sont clairsemées.Des contrées entières se sont vidées parce que la course à l’argent est plus que jamais une compétition pathétique et frénétique comme on l’observe, ici et là, à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Il suffit de voir dans les rues et ruelles de Conakry où déambulent des gamins et gamines, sentant encore la senteur du lait maternel aux lèvres, proposer à la vente des pacotilles (parfois date de consommation expirée, mais soigneusement effacée).
Leurs fameux employeurs n’ont pas conscience que ces bourgeons de la société guinéenne ont besoin de la lumière du savoir qui ne peut s’acquérir qu’à l’école. Ils ferment les yeux sur ce nouvel esclavage et cette exploitation inhumaine qui devait être la cible de la lutte commune et collective au nom de la liberté et du droit des enfants à la protection et l’éducation, à la santé et l’instruction.
Aussi surprenant que cela paraît, les grands défenseurs de la cause de la Moyenne Guinéenne ne murmurent rien de cette rétrogradante pratique.Ils ne susurrent rien de cette dramatique voire tragique situation. Et cela, au moment où le Président Obama a lancé l’initiative des Jeunes Leaders Africains (Young African Leaders Initiative).
Adultes et parents, devons-nous éveiller, développer les talents chez nos jeunes enfants ou faire tout le contraire ? Devons-nous investir dans leur instruction et formation ou encore le contraire ?
Hélas ! De jeunes gens chargés comme des mulets sont exposés, sous le soleil ou la pluie de Conakry, à la violence de la rue laquelle est générée par des machines humaines au volant des épaves transformées en taxi. Elles-mêmes victimes d’un mercantilisme sauvage et sans âme ni pitié. Pour supporter la cadence, les chauffards qui sortent de cette fabrique se droguent en permanence. Conséquences : aucun respect du code de la route, la vie humaine est en danger permanent. Des accidents arrachent précocement le souffle à de nombreux concitoyens, s’ils ne sont pas handicapés à vie. Cette jeunesse-là vit d’oppression dans l’enfer de la rue institué.
Pourquoi ces justiciers, en service de la cause de l’ethnie de la Moyenne Guinée, ne disent aucun mot,dans leurs discours ou propos,qui se porte sur ce drame humain en progression effarante ?
L’enfant ne doit pas être une machine à produire de l’argent ! Pour son épanouissement, les adultes ont l’obligation de bien le traiter, de le protéger et sauvegarder ses droits. Non, il n’est pas à être transformé en robot, perroquet répétant à longueur de journée, de mois ou d’année, le même refrain : « CoyahYé », « Sa céry », « bon chocolat » « Vimto à 3500F » « bon jus » « Pain Libanais »…, etc. Quel avenir pour cette jeunesse ? Ce devait être notre préoccupation première à tous avant tout !
Ces gamins et gamines, livrés à eux-mêmes, dorment sur les étables des marchés ou dans des constructions d’infortune pendant que le soir, les employeurs dans de grosse cylindrée aux vitres teintées (comme s’ils avaient peur ou honte de croiser le regard suppliant de ces pauvres créatures, leurs nouveaux esclaves) regagnent leur domicile. Ils pénètrent dans leurs cours aux hauts murs fermées où enfants et famille les attendent pour un dîner gras. Au même moment, certaines de leurs victimes meurent de faim ou subissent, quelque part, des tortures sexuelles causées encore, ici, par certains de leurs progénitures versées dans la délinquance. D’autres gamins, pour manger et vivoter, se muent en mendiants aux abords des voies publiques où ils s’agrippent aux portes des voitures passant pour obtenir quelques subsides des cœurs généreux et humains. D’autres encore se postent à la sortie des gargotes ou maquis guettant les assiettes laissées sur les tablespar des clients et contenant quelques bouchéesde riz, le reste de nourriture. Ils se ruent là-dessus, si le tenancier est indulgent face à leur misère et avalent rapidement la pitance-là.
Sujet de société, la dénonciation de ces crimes devrait être au cœur de toute action qui se veut civique, politique et/ou sociale en Guinée. Mais voilà que la mémoire et l’intelligence se font oublieuses en présence de cette abominable pratique chez les « Grands défenseurs » de l’ethnie de la Moyenne Guinée. Et pourtant ces esclaves nouveaux sont des jeunes majoritairement de cette région ?
Admettons que les audits s’inscrivent dans l’ordre des choses dans un pays !
Mamadou CellouDalein Diallo a été licencié, dans le passé « pour faute lourde », il n’en demeure pas moins qu’il est présumé innocent (même s’il est suspecté dans plusieurs dossiers) jusqu’à l’établissement de la preuve de sa culpabilité dans cette affaire des audits. Alors pourquoi son camp tremble-t-il ? Pourquoi cherche-t-il à justifier ce qui ne lui est pas encore reproché ? Que fera-t-il si l’accusation est faite un jour ? Peut-on en convenir, au regard de ces agitations : « qui se sent morveux se mousse » ? Donc autant livrer, d’ores et déjà, Mamadou CellouDalein Diallo à la justice ! Mieux, n’est-ce pas, seule la Justice peut inculper ou innocenter un citoyen ? Face à cette dernière, il ne peut y avoir de libre quartier : homme politique ou pas ! On est citoyen avant tout ! Mamadou Cellou Dalein Diallo ne peut échapper à cette vérité sociale et juridique. Il est citoyen avant d’avoir un autre statut ! Comprendre cela apaiserait les inutiles passions célébrées, ici et là !
J’ai envie d’écrire que la Guinée, que nous aimons tous, transcende l’ethnie et la région. Elle ne peut nourrir ses enfants que lorsque ceux-ci le lui permettent. Ensemble, bâtissons cette Guinée qui n’exclue personne et dans laquelle aucune composante sociale ne peut se rendre différente des autres parce qu’elle se désigne victime à perpétuité.
Jacques KOUROUMA