Monsieur Mohamed Diaré, ministre d’Etat chargé de l’Economie et des Finance, au terme de la session du printemps des institutions de Breton Wood, à Washington du 16 et 17 avril 2015, revient sur sa participation à cette session, évoque aussi les activités menées par la délégation guinéenne, avec le plan Marshal pour la relance des économies des trois pays touchés par l’Epidémie à virus Ebola. C’est un ministre des Finances qui rentre avec un état d’esprit rassuré. Nous vous proposons l’intégralité de son interview.
www.lexpressguinee.com: Bonsoir monsieur Mohamed Diaré, ministre d’Etat en charge de l’économie et des Finances. Nous sommes au terme de la session du printemps des institutions de Breton Wood à Washington. Pouvez-vous revenir sur les activités que vous avez menées durant cette session ?
Mohamed Diaré : Effectivement, nous sommes à Washington dans le cadre de la réunion annuelle du printemps du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale. Cette année, l’évènement a été marqué par une réunion de haut niveau qui a regroupé les trois chefs d’Etat des pays qui sont victimes de la maladie à virus Ebola, présidée par Dr Jim Yong Kim, président de la Banque Mondiale, co-présidée par Madame Christine Lagarde, directrice générale du FMI et de M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, avec beaucoup d’autres invités. Cette session annuelle a connu la participation de beaucoup de représentants, que ce soit du côté de l’Afrique, de l’Europe et ou de l’Amérique.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la première partie de notre mission s’est beaucoup focalisée sur une revue de nos relations avec la Banque Mondiale. Nous avons revu le portefeuille, et nous avons constaté que le document de partenariat que nous avons signé avec la Banque Mondiale, il y deux ans, a été bien exécuté malgré le contexte Ebola de 2014. Nous avons fait le point, et nous avons vu que les priorités qui sont alignées dans ce document de partenariat restent les mêmes. Mais cette fois-ci il faut ajouter le renforcement du système de santé.
Ensuite, avec la Banque Mondiale, nous avons signé un accord de partenariat sur le secteur de la Pêche, portant sur 10 millions de dollars. Les activités avec la Banque Mondiale ont été très intenses. C’est ainsi que nous avons eu plusieurs réunions préparatoires sur notre plan de relance et de résilience. Ensuite, nous avons aussi eu des réunions dans le cadre de la mise en valeur du fleuve Niger. Vous savez bien que le fleuve Niger prend sa source en Guinée et traverse plusieurs pays jusqu’au Nigeria. Ainsi donc, nous avons fait le point sur le fait qu’il faut profiter de la conférence de Paris sur changement climatique pour voir comment, d’une seule voix, l’Afrique peut, avec des projets mûrs, présenter dans le cadre de fonds mondial de l’environnement et que ces projets soient financés. Ce sont des projets généralement à buts très multiples. Dans le cas de la Guinée, il y a la construction de barrages sur le Niger sur le Fomi. Il y a aussi l’irrigation des plaines, donc le secteur agricole. Il y a également la navigabilité pour permettre aux populations de ces différents pays de se mouvoir. La Guinée par exemple de quitter Kankan jusqu’à Bamako. Il y a aussi la production de l’énergie, et donc fournir le courant électrique à la Guinée et éventuellement au Mali. Ça c’est l’une des activités qu’on a eu à faire avec la Banque Mondiale.
Avec le Fonds Monétaire International, nous avons rencontré le directeur général adjoint, nous avons également rencontré la directrice du département Afrique et ensuite notre administrateur Fonds Monétaire. Avec toutes ces personnalités, nous avons fait le point de la coopération. Nous avons aussi rencontré l’administrateur de la France. Et nous avons estimé que le Fonds Monétaire, étant donné la crise avec Ebola, a bougé les lignes, en accordant à la Guinée des supports budgétaires. Donc nous avons donné notre appréciation positive à cet appui. Et nous avons demandé au FMI, avec la situation de 2015, de faire en sorte que ce type d’appui et d’assistance continue en 2015 pour que nous ayons un support budgétaire, mais en même pour que ces appuis budgétaires puissent renforcer les réserves de changes de la Banque Centrale de la république de Guinée. Cela va nous aider à stabiliser le taux de change. Ça va nous aider à continuer à lutter contre l’inflation.
Monsieur le ministre d’Etat qu’en est-il de l’évènement principal. C'est-à-dire le plan de relance et résilience présenté par les trois pays touchés par l’épidémie à virus Ebola ?
Il faut d’abord rappeler que nous avons eu un sommet des chefs d’Etat de la Mano River Union à Conakry pour que les trois pays se mettent d’accord sur une structure de la stratégie de relance et résilience des pays post Ebola sur un horizon deux à trois ans, et pour préparer la réunion de Bruxelles. En même temps, nous nous sommes dits qu’il y a des plans de relance nationaux, mais également il y a le plan de relance régionale. Nous sommes donc aller à Bruxelles où la réunion s’est très bien passée. Les différents plans ont été présentés, mais ils n’étaient pas évalués. Le coasting n’était pas fait. Les pays sont revenus, et nous avons continué à travailler d’arrache pieds pour que l’évaluation des coûts des différents budgets puissent être disponible au cour de la réunion du printemps à Washington. C’est ce qui a été fait. Et la particularité cette fois-ci, est que le groupe a parlé d’une seule voix. C’est ainsi qu’on a évalué le coût de relance et résilience pour 8 milliards de dollar. Les chefs de l’Etat des trois sont dit, ‘’chaque pays ne va pas présenter son plan, et ensuite donner le coût. On va se mettre d’accord sur une présentation unique, et en suite une présentation du coût global.’’ C’est ce qui a été fait. Nous avons parlé d’une seule voix, et Madame Ellen Johnson Sirleaf, la présidente du Liberia, a été désignée porte-parole du groupe. A ce titre, elle a présenté au nom de l’ensemble du groupe les besoins que nous avons pour relancer notre système de santé et pour relancer notre économie.
En ce qui concerne la Guinée, l’objectif de notre plan relance est de remettre le pays sur la trajectoire qu’il avait pris. Trajectoire de croissance, de développement et trajectoire de réduction de la pauvreté. Ensuite le plan de relance devrait nous permettre d’avoir une meilleure résilience dans le futur. Il faudrait que mettons en place un système de santé renforcé et résistant pour que demain si une autre épidémie se déclarait dans le pays, que nous ayons le temps de vite réagir. Voyez, pour l’épidémie de virus Ebola, on fait quatre mois sans savoir que c’était Ebola, parce qu’il n’y avait pas de laboratoires, la recherche scientifique n’est pas poussées, et surtout les structures de santé ne sont pas bien adaptées. Donc ces plans de relance vont permettre d’avoir une meilleure résilience au niveau des pays. Ces plans de relance également vont permettre de poursuivre la stabilisation du cadre macroéconomique ce qui va aussi permettre un investissement massif dans le pays. Donc après la présentation de ces plans, il y a eu une première réaction, du côté de la Banque Mondiale qui a promis une enveloppe de 650 millions de dollar. Les autres donateurs aussi se sont prononcés. Globalement, sur les 8 milliards, on a déjà trouvé des intentions d’un milliard de dollar. Mais l’appel que le Président de la Banque Mondiale a lancé, que ce soient des bilatéraux ou les institutions multilatérales, est qu’il faudrait que toute la communauté internationale se mobilise pour financer ces plans de relance.
Personnellement, j’ai dit à la Banque Mondiale que tout le monde entier a une chance aujourd’hui de tester un appui massif sur ces trois pays, et dans un deux ou trois ans, pour voir comment ces pays vont changer leurs systèmes de santé, comment ces pays vont devenir résilients au niveau sanitaire, et donner l’exemple comme le slogan du Président de la Banque Mondiale ‘’Mettre fin à la pauvreté d’ici à 2020’’. Donc je pense que c’est l’occasion ultime pour la Banque Mondiale et pour la communauté internationale d’aller vite dans le financement de ces plans de relance pour que ces pays puissent se retrouver. Mais aussi pour que ces pays puissent donner l’exemple de résilience de renforcement de leur système de santé.
Lors de la réunion de Bruxelles, des intentions de financement ont été exprimées par les partenaires pour atteindre le cas zéro d’Ebola dans les trois pays. Quels sont les résultats obtenus par rapport à ces intentions de financement ?
Il faut être claire. Les intentions de financement annoncées à Bruxelles étaient de 5 milliards 100 millions de dollar. Mais on s’est rendu compte que tout ce montant n’était pas encore décaissé. Les possibilités de décaissement étaient de l’ordre de 2 milliards. Je crois qu’aujourd’hui pour atteindre zéro Ebola, ce n’est pas autant lié à des questions de ressources. Je pense que les annonces qui ont été faites peuvent couvrir parfaitement les mesures sanitaires pour mettre fin à Ebola. Vous avez vu qu’au Liberia il y a eu assez de progrès. En Guinée aussi, bien que l’épicentre de la maladie se trouve maintenant vers Forécariah et Coyah, aujourd’hui on commence à enregistrer de moins en moins de cas d’Ebola. Et donc avec l’urgence sanitaire renforcée que le chef de l’Etat, le Pr. Alpha Condé, a décrété avant même le délai imparti, nous pensons que nous allons atteindre le cas zéro Ebola, et attendre maintenant qu’il n’y ait plus de cas pour que l’OMS puisse lever les restrictions sur le pays. J’estime que les mesures qui ont été prises, c'est-à-dire suivre les contacts ; renforcer le porte à porte dans le cadre de la sensibilisation, de la communication au niveau des communautés locales ; les dispositions pratiques à prendre pour sécuriser les enterrements ; tester tous les décès, voir si c’est Ebola ou pas ; le fait que les comités de veille villageois se sont impliqués dans la lutte contre la maladie, et surtout le soutien à apporter aux contacts isolés, qui doivent être suivis et l’acceptation par la population du fait que Ebola existe bel et bien et prise de toutes les mesures pour l’éradiquer…. Je pense qu’Ebola zéro pourrait devenir une réalité.
En marge de la session du printemps des institutions de Breton Wood, quels sont les contacts que vous avez eus à Washington, excellence monsieur le ministre d’Etat ?
Au-delà de la mission du FMI et de la Banque Mondiale, j’ai rencontré les autorités américaines. J’ai rencontré deux fois deux structures du trésor américain dans le cadre l’assistance technique, et aussi dans le cadre de nos relations avec les Etats-Unis pour faire le point sur la situation économique et ensuite présenter le plan de relance national pour demander le soutien des Etats-Unis. Nous avons été aussi invité entre autres par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (The Centers for Disease Control and Prevention (CDC), et aussi nous avons été invités dans un autre panel qui a aussi parlé de la situation sanitaire et aussi la situation d’Ebola. J’ai aussi rencontré quelques investisseurs qui veulent venir en Guinée, que ce soit dans le secteur d’énergie, des BTP et des logements sociaux.
Au regard de toutes ces rencontres, je pense que la visite de Washington a été couronnée de succès. D’ailleurs à côté de tout cela, il y avait le Pr. Alpha Condé, le chef de l’Etat qui était là. J’ai participé à quelques audiences qu’il a eues dans sa résidence, notamment avec madame Annick Girardin, secrétaire d’Etat chargée de la coopération française. Et j’estime que la mission a été bien remplie.
Dans quel état d’esprit vous rentrez aujourd’hui après cette mission ?
Je rentre avec un état d’esprit rassuré. Que la communauté internationale a entendu notre appel. Partout où je suis passé, les interlocuteurs nous ont rassurés a affirmant : « Nous allons faire tout pour vous accompagner ». Je pense que c’est plus important.
Merci monsieur le ministre.
C’est à moi de vous remercier.
Réalisée par SACKO Mamadou & SAKHO Aboubacar,
envoyés spéciaux à Washington
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