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Un PDG français pour une mine guinéenne : la farce est presque parfaite ( Par Ousmane Boh KABA)

6/11/2025

 
La Guinée est un pays d’une beauté déroutante. La nature y a tout donné, sauf le bon sens. Nous avons des rivières sans bateaux, des forêts sans scieries, des mines sans raffineries, et désormais une société 100 % guinéenne dirigée par un Français. Oui, vous avez bien lu : un Français. La Nimba Mining Company, vitrine de la souveraineté nationale, commence son aventure par une gifle symbolique. Un PDG importé pour une entreprise censée incarner l’indépendance. Ironie du sort, tragédie du sens. On nous a servi le riz gras de la liberté dans une assiette encore marquée « propriété coloniale ».
Le Code minier est pourtant limpide : les compagnies étrangères doivent confier leurs directions à des Guinéens. Mais lorsqu’une société est 100 % guinéenne, miracle ! Aucun Guinéen ne semble qualifié pour la diriger. Il fallait oser. Nous l’avons fait. La souveraineté, oui, mais avec tuteur blanc et accent parisien.
On nous parle de compétence. Toujours la même chanson : « C’est pour la compétence. » La compétence ? Ce nouveau nom de notre complexe. Le masque élégant de notre dépendance. La version technocratique de notre servitude. On nous dit : « Nous n’avons pas encore les capacités. » Mais comment les avoir, si personne ne nous les confie ? La compétence ne se reçoit pas par correspondance. Elle se forge dans la responsabilité, dans l’erreur, dans le risque. Le drame guinéen n’est pas dans ses montagnes. Il est dans ses têtes. Nous avons du fer sous nos pieds, mais si peu dans la colonne vertébrale.
Nous parlons d’indépendance comme on récite un conte avant de dormir. À force de confondre souveraineté et décor, nous avons transformé la République en théâtre : le décor est national, le scénario patriotique, mais les acteurs viennent toujours d’ailleurs. Et le public applaudit, fasciné par le bruit des tambours. Chez nous, la mise en scène de la dignité a remplacé la dignité elle-même.
La Guinée n’a pas besoin d’un PDG français pour faire marcher une mine guinéenne. Elle a besoin de courage, de conviction, et d’un peuple qui exige qu’à chaque tonne de bauxite exportée corresponde une once de dignité retrouvée. À quoi bon avoir les richesses du monde si l’on reste pauvre de soi-même ? À quoi sert la souveraineté si elle finit toujours sous-traitée ?
Depuis quelques années, le mot « souveraineté » est devenu notre griot officiel. On le convoque dans les discours, on le peint sur les murs, on le scande à la télévision. Mais à force de le répéter, on l’a vidé de sa substance. Nous sommes souverains dans les mots, dépendants dans les actes. Notre souveraineté est un totem creux : on danse autour, mais on craint d’en regarder le fond. Nous chassons les compagnies étrangères à la caméra, pour mieux leur confier nos fauteuils en coulisse.
Cette souveraineté de façade est notre opium. Elle nous berce, nous flatte, nous endort. Elle entretient la croyance qu’on peut déléguer la fierté, sous-traiter la dignité, importer le respect. Mais qui respectera un pays qui ne se respecte pas lui-même ? Qui croira à une souveraineté qu’on loue à l’heure ?
Être souverain, ce n’est pas agiter un drapeau, ni baptiser une entreprise « nationale ». C’est faire confiance à ses enfants, même quand ils tremblent. C’est préférer l’erreur d’un Guinéen à la perfection d’un expatrié. C’est oser grandir, avec nos faiblesses et nos doutes.
Tant que la Guinée confiera sa tête à d’autres, elle ne maîtrisera jamais ses bras. Tant que nous confondrons souveraineté et slogan, nous resterons spectateurs de notre propre histoire. La véritable indépendance ne se dit pas. Elle se prouve.
Un jour, espérons-le, un Guinéen formé ici, forgé ici, nommé par ici, dirigera enfin une entreprise nationale sans tuteur étranger. Ce jour-là, la montagne de fer cessera de rougir de honte. Elle redeviendra ce qu’elle aurait toujours dû être : un symbole de fierté, pas de dépendance.
Mais pour l’heure, la farce est presque parfaite. Nous continuons de jouer à être libres, récitant le texte d’une indépendance qu’on ne comprend plus. Nous sommes les clowns tristes d’une souveraineté de vitrine. Et la question demeure, plus brûlante que jamais : à quoi sert d’avoir des montagnes de fer, si nos âmes restent de papier ?
Ousmane Boh KABA

 

 
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