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Samory Touré : remettre la vérité au cœur de l’histoire

3/12/2025

 

Samory Touré reste l’une des figures les plus importantes de l’Afrique de l’Ouest du XIX? siècle. Il a construit un empire, mené une résistance durable contre la colonisation française et marqué l’histoire par son intelligence stratégique. Pourtant, de nombreux discours modernes mélangent faits, traditions orales et interprétations identitaires. Pour comprendre son héritage, il est essentiel de revenir à des éléments solides, vérifiables, qui permettent de regarder son parcours avec précision et honnêteté.

Samory n’a pas choisi le titre d’Almamy par hasard. Ce titre, utilisé dans plusieurs États musulmans dirigés par des Peuls ( comme le Fouta-Djalon en Guinée ou le Fouta-Toro au Sénégal ) désignait un chef politique légitimé par l’islam. Le mot vient de « al-imam ». Son adoption par Samory montre clairement qu’il voulait inscrire son pouvoir dans une tradition politique reconnue. À l’époque, un souverain qui portait ce titre était immédiatement identifié comme un dirigeant musulman respecté, ce qui facilitait les alliances. Par exemple, les États peuls reconnaissaient facilement l’autorité religieuse d’un Almamy, ce qui permettait à Samory d’entretenir des relations diplomatiques avec des régions qui, autrement, seraient restées méfiantes envers lui. Ce choix stratégique renforçait sa légitimité aux yeux des populations islamisées, mais aussi auprès des lettrés qui circulaient entre le Fouta-Djalon, le Bambouk ou le Kaarta.

Le territoire du Wassoulou, cœur de son empire, mérite lui aussi d’être expliqué avec précision. À l’époque de Samory, il s’agissait d’une région dynamique située au croisement de trois espaces qui deviendront plus tard la Guinée, le Mali et la Côte d’Ivoire. Ce positionnement géographique était un véritable avantage stratégique. Les routes commerciales reliant Kankan, Sikasso, Kong ou Bissandougou y passaient. Cela permettait de contrôler le commerce de la cola, du sel ou des tissus importés. Plusieurs chroniqueurs français, comme le commandant Audéoud, rapportent que Samory s’intéressait autant aux routes commerciales qu’aux territoires eux-mêmes. Le Wassoulou était une mosaïque de peuples : Mandingues majoritaires, mais aussi Peuls pasteurs, Soninkés commerçants, Senufo agriculteurs et d’autres groupes installés dans les villages et les marchés. Cette diversité n’était pas un handicap ; elle permettait au souverain de composer un empire multiethnique, avec des alliances multiples. Par exemple, Samory intégrait des cavaliers peuls dans ses unités militaires, car leur maîtrise du cheval et des combats rapides était reconnue dans toute la région.

Le surnom de Sà Moridho, que la tradition orale associe à Samory, reflète aussi une réalité historique. Dans plusieurs récits mandingues, il est mentionné que certains guerriers portaient des tresses longues ou serrées, souvent enduites de beurre de karité, pour montrer leur rang ou leur rôle. Cette coiffure avait également une fonction pratique : elle permettait de fixer des talismans ou des gris-gris que les combattants portaient pour se protéger. Le terme « Moridho » signifie simplement « celui qui porte des cheveux tressés », et il décrit une apparence que les témoins n’oublient pas facilement. Ce surnom ne renvoie donc pas à un peuple particulier, mais à un style associé à son statut de guerrier et de chef.

Une autre question, largement répandue dans les récits populaires, concerne un supposé contact entre Samory Touré et le Cheikh Amadou Bamba, fondateur du mouridisme au Sénégal. L’histoire raconte que Samory aurait demandé au saint homme de prier pour son peuple en passant par l’actuel Kaloum. Pourtant, aucune source historique fiable ne confirme cette affirmation. Les archives coloniales françaises, très précises lorsqu’elles concernent Samory ou Amadou Bamba, ne mentionnent jamais de contact entre eux. Les traditions mourides, qui conservent minutieusement les épisodes de la vie du Cheikh, n’en parlent pas non plus. Cela ne retire rien à la grandeur des deux personnages, mais oblige simplement à distinguer entre faits vérifiables et récits construits après leur époque. Ce silence des sources permet de dire que cette histoire appartient plutôt à la mémoire populaire qu’à l’histoire authentifiée.

Si une telle rencontre avait eu lieu, il aurait été normal qu’ils utilisent une langue d’enseignement religieux comme l’arabe, ou une langue régionale répandue comme le pulaar, que maîtrisait Amadou Bamba, ou le malinké, utilisé couramment dans l’espace de Samory. Mais comme aucun document ne prouve l’échange, toute précision à ce sujet resterait purement hypothétique.

L’histoire du nom Touré, porté dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, révèle également la complexité de la région. Ce patronyme, à l’origine mandingue, s’est diffusé largement grâce aux migrations et aux alliances. Par exemple, certains groupes peuls du Macina ou du Fouta-Djalon ont adopté ce nom au fil des siècles, notamment lorsqu’ils s’intégraient à des réseaux marchands mandingues. On retrouve aussi des Touré soninké dans le Gajaaga ou dans la diaspora commerciale sahélienne. Dans le golfe de Guinée, la présence de familles Touré est liée aux mouvements anciens de commerçants et de marabouts qui parcouraient le Togo et le Bénin. Ainsi, le nom Touré n’appartient pas à un peuple unique ; il appartient à l’histoire des brassages culturels qui caractérisent l’Afrique de l’Ouest.

À travers ces éléments, un portrait plus juste de Samory Touré se dessine : celui d’un dirigeant mandingue profondément islamisé, conscient des traditions politiques de son époque, stratège, diplomate, et à la tête d’un empire multiculturel. Il était un acteur majeur de son temps, capable d’adapter son discours, ses alliances et ses choix militaires aux réalités de la région. En séparant les faits prouvés des récits embellis, on rend à Samory sa véritable dimension historique : celle d’un chef qui a compris et utilisé les forces culturelles, religieuses et politiques de l’Afrique de l’Ouest pour bâtir un empire et résister à la conquête européenne.

Par Aboubacar SAKHO
Expert en Communication

 

 
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