30/12/2025
L’élection présidentielle désormais derrière lui, Mamadi Doumbouya entre dans une phase autrement plus exigeante de son parcours politique. Le temps de la transition est clos, celui de la gouvernance pleine et entière commence. Entre attentes sociales pressantes, équilibres politiques fragiles, exigences économiques et repositionnement diplomatique, le nouveau président est attendu au tournant par une nation à la fois patiente, lucide et exigeante.
Il est désormais établi, sans même attendre la proclamation solennelle de la Cour constitutionnelle, que Mamadi Doumbouya est le président de la République de Guinée. Le temps de la transition appartient au passé. Une nouvelle séquence politique s’ouvre, lourde de responsabilités et d’espérances mêlées. Car être élu ne signifie pas seulement gouverner, mais répondre à des attentes multiples, parfois contradictoires, portées autant par ceux qui ont voté pour lui que par ceux qui se sont abstenus ou ont exprimé leur opposition.
Le premier défi est d’ordre économique. Malgré l’immense espoir suscité par le projet Simandou, aucun Guinéen ne peut attendre 2040 pour manger à sa faim, se soigner dignement ou scolariser ses enfants dans des conditions acceptables. La macroéconomie, souvent vantée par les institutions de Bretton Woods, reste une abstraction pour une large frange de la population confrontée à la cherté de la vie, à la précarité de l’emploi et à l’insécurité alimentaire. Au-delà des tableaux statistiques et des discours rassurants, le véritable enjeu réside dans la capacité de l’État à transformer la croissance annoncée en pouvoir d’achat réel, en services publics fonctionnels et en justice sociale perceptible. Le président est attendu sur des mesures concrètes, visibles et durables, capables de restaurer la confiance entre l’État et les citoyens.
Le second défi est d’ordre politique. L’opposition dite radicale, ou du moins certaines de ses figures, n’attendra pas la fin du septennat pour tenter un retour au premier plan. Les repositionnements, les ralliements intéressés et les revirements idéologiques feront partie du paysage. Les discours sur la réconciliation nationale, le vivre-ensemble et l’inclusivité vont gagner en intensité, parfois par conviction sincère, parfois par calcul. Dans le même temps, ceux qui ont soutenu Mamadi Doumbouya attendent reconnaissance et considération. La nomination d’un Premier ministre et la formation d’un gouvernement seront donc des actes hautement politiques, scrutés dans leurs moindres détails. Élu sans l’appui d’un parti structuré, le président devra néanmoins composer avec toutes les sensibilités nationales. Il lui faudra trouver l’équilibre entre ouverture politique et exigence d’efficacité, sans céder à la tentation d’une gouvernance fondée uniquement sur la discipline hiérarchique. Gouverner un État n’est pas diriger une caserne militaire, et l’autorité ne saurait se substituer durablement au dialogue, à la compétence et à la confiance.
Le front social constitue un autre chantier sensible. À la veille du scrutin, les syndicats d’enseignants avaient montré leur capacité de mobilisation à travers une grève largement suivie, suspendue dans un esprit de responsabilité nationale. Avec la fin de la période d’exception, les revendications risquent de ressurgir avec davantage de fermeté. Les travailleurs, tous secteurs confondus, attendent des réponses concrètes sur les salaires, les conditions de travail et la reconnaissance de leur rôle dans la stabilité du pays. Le futur gouvernement devra faire preuve d’écoute, de pédagogie et de courage politique afin d’éviter que la frustration sociale ne se transforme en crise durable.
Sur le plan diplomatique, le contexte international impose une vigilance constante. Dans un monde marqué par une polarisation croissante, la Guinée est appelée à faire des choix subtils sans renoncer à sa souveraineté. Le discours de Mamadi Doumbouya aux Nations Unies, présentant la Guinée comme un pays non aligné, a posé les bases d’une diplomatie d’équilibre. Cette orientation devra se traduire par un renforcement du panafricanisme, une coopération sincère avec la CEDEAO et un dialogue assumé avec les pays de l’AES qui partagent une vision de rupture avec certaines pratiques du passé. Dans le même temps, il faudra préserver des relations pragmatiques avec les partenaires traditionnels, notamment européens, sans naïveté ni soumission, mais sans rupture stérile. La crédibilité internationale de la Guinée dépendra de cette capacité à parler à tous sans se renier.
Au fond, le défi de Mamadi Doumbouya dépasse sa personne. Il engage l’avenir d’un pays longtemps éprouvé mais toujours debout. Sa marge de manœuvre existe, son capital de confiance aussi, même s’il n’est ni infini ni inconditionnel. S’il parvient à conjuguer autorité et écoute, fermeté et justice, ambition et humilité, il pourra inscrire son action dans la durée et donner un sens profond au choix exprimé par les Guinéens.
La Guinée entre dans une phase décisive de son histoire contemporaine. Le temps des promesses s’efface peu à peu devant celui des actes. C’est dans cette épreuve de vérité que se jouera non seulement l’avenir politique de Mamadi Doumbouya, mais aussi la capacité du pays à se réconcilier avec lui-même et à se projeter sereinement vers l’avenir.
Par Abou Maco |