30/12/2025
Le chef du pouvoir militaire en Guinée, le général Mamadi Douboumya, a une large avance sur ses huit rivaux après l'élection présidentielle de dimanche, selon les premiers résultats officiels partiels provisoires publiés ce lundi 29 décembre dans la soirée. Son score dépasse 80% dans plusieurs grandes villes du pays, comme à Conakry, selon les résultats lus sur la télévision publique. Il semble en passe de gagner dès le premier tour.
C'est l'histoire d'une ascension fulgurante. Nous sommes le 2 octobre 2018, dans le stade principal de Conakry. L'État guinéen célèbre en grande pompe les 60 ans de l'indépendance. Un colosse aux lunettes noires fumées parade avec les forces spéciales devant le président Alpha Condé et son invité le président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso. Les Guinéens viennent de découvrir pour la première fois, l'officier Mamadi Doumbouya.
Le président Alpha Condé ne cache pas alors son admiration pour l'homme qui est désormais chargé de sa sécurité personnelle. "Sur tous les réseaux sociaux, les femmes sont devenus amoureuses de Doumbouya, je tiens à dire qu'il est marié. On ne voyait que lui", déclare peu de temps après le président Condé devant la télévision publique, revenant sur les cérémonies de l'indépendance.
Trois ans plus tard le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya, renverse le président avec ses forces spéciales. Il dissout les institutions et ferme les frontières. Il vient de mettre fin à 11 années de pouvoir sans partage d'Alpha Condé, 83 ans, et qui entamait alors un troisième mandat controversé.
Le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya à Bamako au Mali le 22 septembre 2022 (AP Photo, File)
Mais que sait-on de Mamadi Doumbouya ? Il est né en 1984 à Kakan à l'ouest du pays dans une famille modeste. Selon nos confrères de Jeune Afrique, on sait peu de choses de son enfance et de son adolescence. Il est issu de l'ethnie malinké, la deuxième du pays.
Un ancien de la légion étrangère
On sait qu'il a terminé ses études assez tôt. Dans les années 1990, il part pour l'Europe pour tenter sa chance. Il vit un temps au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Arrivé en France, il s'engage dans la Légion étrangère et rejoint le premier régiment d'infanterie de Nîmes (sud du pays).
Il part combattre en Afghanistan comme caporal-chef. En 2010, il ne renouvèle pas son contrat avec la Légion et rentre au pays. L'ancien légionnaire intègre l'armée guinéenne après avoir envoyé son CV à l'ancien ambassadeur de Guinée en France, Amara Camara. Il affirme qu'il veut servir son pays. L'ancien caporal chef de la Légion, devient instructeur au bataillon de sécurité présidentielle.
Il se fait remarquer par Alpha Condé, qui voit en ce soldat formé à l'étranger, le renouveau de l'armée guinéenne. Depuis l'attentat terroriste de Grand-Bassam en Côte d'Ivoire en 2015, Alpha Condé veut mettre en place des forces spéciales chargées de lutter contre le terrorisme. Le président Condé décide de lui faire suivre des formations à l'étranger pour qu'il prenne ensuite le commandement de ces nouvelles forces spéciales. Il part dans plusieurs pays et termine sa formation à l'école de guerre à Paris en 2017. En 2018, il prend le commandement du Groupement des Forces spéciales, le GFS.
Chef des forces spéciales
Il entretient une relation unique avec ses soldats qui le surnomment "le parrain", selon Jeune Afrique. Alpha Condé donne à son unité de plus en plus de moyens et d'équipements. Mais le ministère de la défense de l'époque, Mohammed Diane, se méfie de cette armée au sein de l'armée et multiplie les avertissements auprès du président.
En 2020, Alpha Condé modifie la Constitution. Il se fait réélire pour un troisième mandat controversé. La rue s'enflamme. C'est à ce moment là que le président Condé commence enfin à écouter son ministre de la défense, selon Jeune Afrique. Il se méfie de cette unité et de son commandant. Le GFS est éloigné de la capitale, dans une localité à 100 kilomètres de Conakry, Forécariah. Se sentant menacé, le lieutenant colonel Mamadi Doumbouya prend les devants et renverse avec ses hommes qui lui sont fidèles, la présidence d'Alpha Condé.
"Ne pas violer la Guinée, lui faire l'amour"
Il déclare ce 5 septembre 2021, le soir du Coup d'État, devant les Guinéens "ne pas vouloir violer la Guinée" mais "lui faire l'amour." L'homme qui devient président de la transition troque alors le treillis pour des tenues civiles. Marié à une Française, une officier de gendarmerie, ce père de quatre enfants cherche à entretenir de bon rapports avec le reste du monde. Il tient surtout la Guinée d'une main de fer. L'homme devenu général ne rend pas le pouvoir aux civils. Les principaux opposants ont été exclus du scrutin.
Sous sa présidence, plusieurs partis politiques et médias ont été suspendus, les manifestations ont été interdites en 2022 et sont réprimées, et de nombreux dirigeants de l'opposition et de la société civile ont été arrêtés, condamnés ou poussés à l'exil.
La croissance du pays est porté par l'exploitation des minerais, notamment par par le secteur de la bauxite. dans lequel les investissements ont doublé en l’espace de dix ans. Mamadi Doumbouya a inauguré le grand projet de Simandou, lancée ous la présidence d’Alpha Condé.
Enfermé dans le palais présidentiel Mohammed V à Conakry, face à l'océan Atlantique, la parole de Mamadi Doumbouya est rare, et ce sont son Premier ministre, Amadou Oury Bah, et son porte-parole, Amara Camara, qui sillonnent depuis une semaine le pays en son nom pour faire campagne.
Candidat indépendant à une élection qu'il semble assuré de remporter faute de rival d'envergure, le général Mamadi Doumbouya est soutenu par un mouvement qui porte ses initiales, GMD: Génération pour la Modernité et le Développement.
Fin septembre, les Guinéens ont approuvé une nouvelle Constitution lors d'un référendum que l'opposition avait appelé à boycotter, mais où la participation s'est officiellement élevée à 91%. La nouvelle Constitution porte de cinq à sept ans la durée du mandat présidentiel, renouvelable une fois.
TV5
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