29/12/2024
L'ancienne ministre burkinabè de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l'Action humanitaire, Laurence Marshall Ilboudo (photo à gauche), en commentant très tôt le verdict issu du procès du scandale de détournement de 3 milliards de francs CFA — dans son ancien département — au détriment des nécessiteux, en majorité victimes du terrorisme, prend des risques qui pourraient bien lui coûter cher.
« Je respecte pleinement le verdict prononcé à l’encontre des coupables et tiens à rappeler que personne ne devrait, sous aucun prétexte, utiliser l’argent du contribuable à des fins personnelles. Une telle pratique constitue un crime qui ternit l’image de notre institution et trahit la confiance du peuple burkinabè », a-t-elle notamment écrit sur sa page Facebook.
Cette stratégie maladroite, qui consiste à se blanchir par anticipation et à orienter l'opinion publique ainsi que les enquêtes dans ce sens, résistera difficilement à l'heure de la reddition des comptes. Le procès a en effet révélé que plusieurs pistes de ce nauséabond scandale n'ont pas encore été explorées, et les 3 milliards de francs CFA pourraient n’être qu’une goutte d’eau dans un océan de marasme économique systémique. Surtout que son nom est revenu au cours du procès ouvert à cet effet. Souvent, le silence est d’or, car une prise de parole imprudente peut être interprétée comme un défi, poussant les enquêteurs à creuser davantage qu’ils ne l’auraient initialement envisagé.
Il faut arrêter d'insulter l'intelligence des Burkinabè et faire preuve de moins de condescendance et de suffisance. Une déclaration officielle, venant d'elle, garde aujourd'hui beaucoup de sens. Quelques citations de l'époque :
« Pourquoi voulez-vous misérabiliser vos autorités tout en sachant qu'elles doivent représenter votre pays à l'étranger à côté de leurs homologues à l'extérieur ? »
« Nous sommes une autorité. On ne doit pas nous comparer aux citoyens lambda. »
« Nous avons des enfants qu'on a laissés pour venir faire des sacrifices pour notre pays. »
« On parle de Talisman (Nda : voiture 4X4 de luxe). Sachez qu'il y a des gens qui sont descendus de véhicules plus chers que le Talisman pour venir au gouvernement. »
Une ministre de la République, gérant de surcroît un département dédié aux nécessiteux, ne devrait pas tenir officiellement de tels propos. Ces déclarations, déjà choquantes à l'époque, résonnent aujourd’hui comme une insulte supplémentaire envers un peuple confronté à des défis colossaux. Comment justifier un tel discours alors que des milliers de déplacés internes, victimes du terrorisme, survivent dans des conditions indignes, réduits à se nourrir de cueillette ou d’herbe ? Ces faits se sont déroulés alors qu'elle était ministre de l'Action humanitaire, un département où, à son époque, plusieurs milliards de francs CFA se sont volatilisés pour atterrir dans les poches — disons les coffres-forts — de ses collaborateurs.
Durant son magistère à la tête de ce département stratégique, l'insécurité alimentaire était à son paroxysme le plus spectaculaire et plus de 2 millions de personnes – environ 10% de la population – ne mangeaient pas à leur faim.
Mais Laurence Marshall Ilboudo, tout comme son ancienne collaboratrice Pétroline Tarpaga (en photo à droite), qui a publiquement insulté les mères du procureur et des juges lors de son procès, récemment jugée et condamnée dans le scandale des 3 milliards, estiment qu'elles méritent de vivre dans un luxe insultant, aux frais du contribuable et au détriment des nécessiteux.
Le sacrifice pour la nation ne se limite pourtant pas aux membres du gouvernement. Des Burkinabè anonymes, plongés dans une misère totale, donnent littéralement leurs vies pour défendre leur pays contre les attaques terroristes. Dans ce contexte, les justifications élitistes et condescendantes de Laurence Marshall Ilboudo ne sont pas seulement déplacées, mais profondément offensantes.
Le peuple burkinabè, dont l’intelligence ne doit jamais être sous-estimée, attend des comptes, et non des discours moralisateurs ou des tentatives de diversion. Les heures de reddition des comptes viendront, et elles ne se contenteront pas de demi-mesures ni d’efforts pour détourner l’attention.
Abdoulaye Sankara
Journaliste engagé de l'AES |